Mise en valeur des alliés de la diversité : Michael Theodor
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Mise en valeur des alliés de la diversité : Michael Theodor

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Michael Theodor, président, MT Consulting Services

Notre chronique sur la Mise en valeur de la diversité chez les membres vise à mettre en avant des entreprises et des membres qui témoignent de la diversité de notre secteur, mais nous tenons aussi à faire connaître l’histoire de ceux qui contribuent à favoriser et à soutenir un secteur diversifié et inclusif. Nous présenterons leur histoire dans une chronique intitulée sur la Mise en valeur des alliés de la diversité. Notre première chronique du genre porte sur Michael Theodor, président de MT Consulting Services, qui a été grandement inspiré par l’histoire de son père, survivant de l’holocauste.

Pouvez-vous nous parler un peu de votre histoire et de ce qui vous a amené à devenir un allié?

Au Canada, nous parlons beaucoup des droits de l’homme, mais chez moi, en tant qu’enfant, le fait d’entendre des récits de l’holocauste par des survivants de ma famille a eu une résonnance particulière. Ces histoires de famille marquantes ont façonné ma vision de l’équité, de l’équilibre et du respect de la vie humaine, notamment lorsque j’ai fondé puis dirigé pendant 33 ans Michael Theodor Brokerage, la première société de courtage d’aliments biologiques et naturels au Canada.

Mon histoire a été fortement influencée par mon père, Henry A. Theodor, qui, alors qu’il était jeune homme à Vienne, en Autriche, a échappé de justesse à la tentative brutale des nazis d’anéantir une race entière. En 1938, peu après l’historique Kristallnacht (la Nuit de cristal), lorsque les commerces juifs ont été pillés et leur contenu incendié, les parents d’Henry Theodor ont fait en sorte de l’aider à fuir Vienne pour se rendre au Royaume-Uni, où il allait être parrainé par un petit-cousin.

En haut : le jeune Henry Theodor à Vienne, en Autriche. En bas : la carte d’identité de Henry.

Lorsque Henry monte dans un train qui quitte Vienne, c’est la dernière fois qu’il voit ses parents. L’usine de roulements en acier que ceux-ci possédaient sera bientôt confisquée par les nazis et tous deux seront assassinés. Dans le train, par pur hasard, il se trouve assis à côté d’un gentleman anglais qui avait vu des SS nazis monter à bord pour en expulser les juifs suspects. L’Anglais, songeant que mon père était peut-être juif, l’a engagé dans une conversation (mon père ne connaissait que quelques mots d’anglais) et l’a convaincu d’une manière ou d’une autre de parler anglais lorsque les nazis sont montés à bord à différents arrêts – l’aidant ainsi à ne pas se faire prendre. Mon père a eu beaucoup de chance ce jour-là. La gentillesse et la sagesse d’un étranger lui ont évité la déportation vers un camp de concentration et peut-être même la mort.

Au Royaume-Uni, il a perfectionné son anglais et a fini par immigrer aux États-Unis, où il a occupé divers emplois, comme celui de travailleur dans une usine de sidérurgie et de chauffeur de camion forestier. Grâce à sa forte détermination, à son caractère responsable, à la reconnaissance de ses compétences, ainsi qu’à ses études supérieures, Henry a pu exceller. Ces traits de caractère qui ont marqué son succès ont eu une forte influence sur moi.

Au fil du temps, Henry a gravi des échelons dans le monde des affaires. Au milieu des années 1940, il est devenu vice-président d’un grand fournisseur d’arachides à Pittsburgh, puis au début des années 1950, il a ouvert sa propre entreprise concurrente qui a connu un grand succès.

Par la suite, mon père est devenu distributeur de matériel de loisirs de plein air, ce qui supposait le déplacement de camions vers les carnavals, les champs de foire et les parcs d’attractions. Pour m’apprendre à repérer l’antisémitisme, il me désignait les clients des différentes foires qui lui faisaient sans cesse des commentaires antisémites.

Bien qu’il ait été confronté aux préjugés à l’égard de ses origines juives, mon père n’a jamais été critiqué pour son éthique, son équité et sa fiabilité, car c’étaient là ses véritables qualités, qu’il a conservées toute sa vie et dont je pense avoir hérité puis utilisées dans notre précieux secteur d’activité.

Être l’enfant de quelqu’un qui a échappé aux nazis et avoir dû assimiler la profonde souffrance de cette expérience m’a aidé à poser les bases de mon empathie à l’égard de tous ceux qui vivent des expériences marginales. Pour cela, je lui en suis reconnaissant.

Parlez-nous de votre entreprise et de ce qui vous a amené à la créer

Je suis arrivé au Canada en 1973, ayant quitté Laguna Beach, en Californie, où je m’étais beaucoup intéressé au mouvement biologique naissant dans le sud de la Californie. Après avoir travaillé quelques années dans le nord de la Colombie-Britannique dans une scierie, à la plantation d’arbres, à l’enseignement du yoga, puis à Vancouver dans le premier magasin d’aliments naturels NAAM sur la 4e avenue, je suis tombé sur un fruiticulteur biologique de la vallée de l’Okanagan, toujours en Colombie-Britannique, en 1976. Ensemble, nous sommes devenus la première petite entreprise à vendre des fruits biologiques cultivés dans la province à des magasins d’aliments naturels de la Colombie-Britannique et de l’Alberta, ainsi qu’au nouveau marché de l’île Granville, où nous étions les seuls vendeurs de fruits biologiques de la Colombie-Britannique à l’époque. Ce fut un grand succès et nous avons été interviewés par les grands réseaux de télévision comme CBC et CTV.

Michael's truck hauling organic fruit from Okanagan Valley BC to the Lower Mainland
Le camion de Michael utilisé pour le transport de fruits biologiques cultivés dans la vallée de l’Okanagan vers le Lower Mainland (les basses terres continentales de la C.-B.) (1978)

Le commerce des fruits biologiques de la Colombie-Britannique a pris une telle ampleur que les agriculteurs ne pouvaient plus répondre à la demande. J’ai donc fait appel à une marque du sud de la Californie, Natural Nectar, qui proposait de très bons produits naturels, comme de la crème glacée sucrée au miel, des petites coupes de beurre d’amande et de délicieuses barres qui étaient des articles très avant-gardistes. Le propriétaire me connaissait du temps où je vivais à Laguna Beach et il m’a alors demandé si je voulais être son courtier au Canada. À ce moment, je ne savais même pas ce qu’était un courtier, mais j’ai accepté l’offre. C’est ainsi que j’ai lancé Michael Theodor Brokerage, qui est devenue plus tard MT Consulting.

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Ma vision et ma mission étaient alors et ont toujours été de créer un monde meilleur, moins toxique, en offrant aux consommateurs canadiens la possibilité d’avoir accès à des produits biologiques. C’est en 1980 que j’ai commencé, à une époque où le bio n’était même pas une catégorie connue. Au cours des dix premières années jusque dans les années 1990, j’ai eu la chance de lancer sur le marché canadien de nombreux produits biologiques (provenant principalement des États-Unis), comme Rice Dream, Jason, Blue Sky, Lightlife, KIND Bar, Silk, Annie’s, Blue Diamond, Yogi Tea et bien d’autres. J’étais le seul courtier en produits biologiques et naturels pendant cette décennie. Je me sentais comme un pionnier du secteur – l’industrie était encore bien limitée. Les marques avec lesquelles j’ai travaillé ont remporté plus de 30 prix Alive.

Que signifie la diversité pour vous et comment vous influence-t-elle en tant que propriétaire d’entreprise?

Le Canada est un pays multiculturel qui prospère en partie grâce à sa diversité. Néanmoins, beaucoup d’entre nous, dans le secteur des produits biologiques/naturels, ont été témoins des difficultés (et des succès) d’un bon nombre de nos collègues et partenaires industriels.

Si l’on remonte à mes débuts en 1980, le mot diversité ne faisait même pas partie du vocabulaire. Même le « multiculturalisme » n’était pas très connu. J’ai cependant rapidement appris que l’embauche de femmes et de membres de la diversité en fonction de leurs compétences était une idée judicieuse. Je n’avais aucune compétence en informatique, je n’étais pas un bon organisateur de bureau et j’avais beaucoup à apprendre sur la gestion d’une entreprise au Canada. La haute technologie se résumait alors au télécopieur à rouleau de papier continu.

Mes premiers employés étaient des femmes et elles étaient excellentes. Je leur suis très reconnaissant, car outre la gestion de bureau, j’ai appris à écouter leurs propositions et leurs observations sur les véritables aspects commerciaux de l’entreprise, ce sur quoi je pensais tout savoir alors, ce qui n’était pas le cas. De plus, à cette époque, je recrutais des candidats en fonction de leurs compétences, ce qui a contribué à créer une main-d’œuvre diversifiée chez MTB (Michael Theodor Brokerage). J’ai employé des femmes, des Canadiens d’origine asiatique, des Canadiens d’origine panjabi, des membres des Premières Nations et bien d’autres encore. Ainsi, par pur hasard et par l’application pratique, j’ai appris comment la diversité influait sur le succès de mon entreprise, ce qui a été très fructueux.

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui veulent faire carrière ou créer une entreprise dans notre secteur?

Il existe encore de grandes possibilités au sein de notre secteur et la fréquence d’apparition des nouveaux produits demeure très élevée.

Voici quelques aspects dont il faut tenir compte au démarrage d’une entreprise :

  • Faites des recherches approfondies sur la catégorie de produits dans laquelle vous souhaitez vous lancer. Faites une étude des magasins importants et des commerces en ligne pour savoir ce qui existe et connaître les prix de détail.
  • Assurez-vous que les matières premières dont vous avez besoin sont facilement accessibles.
  • Examinez attentivement la concurrence dans la catégorie de produits qui vous intéresse et faites une évaluation financière sérieuse de votre projet pour vous assurer qu’il est viable.
  • Essayez de ne pas lancer un produit du type « moi aussi ». Créez un ou plusieurs points de différenciation.
  • Investissez dans un emballage dynamique et percutant et dans l’imagerie numérique en faisant appel à une société de graphisme de premier ordre.
  • Constituez une équipe compétente et diversifiée qui partage votre vision et votre mission.
  • Étudiez à l’avance les meilleurs circuits de distribution pour vos produits.
  • Assurez-vous de disposer des ressources financières nécessaires pour traverser la période de lancement initiale d’environ un an. Il se peut que vos dépenses dépassent vos recettes la première année, alors soyez prêt.
  • Adhérez à la CHFA pour vous associer à la voix de notre industrie.
Michael's home office in 1982
Le bureau de Michael à la maison (1982)